Le château de Montségur de nuit (Ariège ; photographie nocturne : Philippe Contal, 2013)
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- Le château de Montségur de nuit (Ariège ; photographie : Philippe Contal, 2013) -

Dossier historique et archéologique (archives)

Montségur, voyage en Pays Cathare

L'archéologue David Maso nous guide pendant le séjour organisé par le Club de l'Histoire / Grand Livre du Mois. Ce voyage en Pays Cathare, en compagnie d'Emmanuel Le Roy Ladurie, historien et auteur du remarquable ouvrage « Montaillou, village Occitan ». Mais lisons plutôt ce que David nos raconte à propos de Montségur...

« Montaillou, village occitan de 1294 à 1324 », Emmanuel Le Roy Ladurie


Montaillou : petit village de montagnards et de bergers en haute Ariège, à 1 300 mètres d'altitude. En 1320, Jacques Fournier, évêque de Pamiers, plus tard pape d'Avignon, y déploie ses talents d'inquisiteur. Maigret avant la lettre, Jacques Fournier finit par déterrer tous les secrets du village. Rien n'échappe à cet évêque fureteur, ni les vies intimes, ni les drames de l'existence quotidienne. En s'appuyant sur cet extraordinaire document de Jacques Fournier, sorte de roman vrai du petit peuple du XIVᵉ siècle, Emmanuel Le Roy Ladurie ressuscite, en utilisant les méthodes historiques et ethnographiques les plus actuelles, la réalité occitane et cathare d'il y a six cent cinquante ans.

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Remerciements

Club de l'Histoire / Grand Livre du Mois
David Maso
Emmanuel Le Roy Ladurie
Le château que l'on peut admirer aujourd'hui, perché sur son pog, n'est très certainement pas celui de 1243-1244. Il date vraisemblablement de 1280-1290, alors que les citadelles de la région servaient de forteresses royales, à la frontière entre la France et l'Espagne. Il est plus vraisemblable d'imaginer un village de montagne situé en haut de la montagne, lui-même peut-être dominé par deux tours seigneuriales du fait de la présence de deux co-seigneurs sur le lieu.

Le pog était probablement déboisé, le site étant occupé. On dénombre environ 200 cathares et une centaine d'hommes d'arme ayant vécu à Montségur, sans compter les visiteurs qui n'étaient que de passage sur les lieux.

Les cathares à Montségur

Emmanuel Le Roy Ladurie dans la cour du château de Montségur (Ariège ; photographie : Philippe Contal, 2002)

Les cathares furent présents à Montségur dès le début de la Croisade. La situation politique et géographique du lieu était très importante. La proximité de Toulouse, Foix, Carcassonne permettait un rayonnement facile, tout en étant préservé de manière naturelle, par la conformation singulière du pog.

Les registres de l'Inquisition nous permettent d'affirmer qu'une communauté de religieuse était implantée au début du XIIIᵉ siècle sur les hauteurs de Montségur. Cathares (ayant reçu le Consolamentum) et croyants habitaient dans le castrum, village fortifié.

Les 19 dépositions inquisitoriales nous permettent, aidées des recherches archéologiques, de reconstituer la vie à Montségur, avant et pendant la Croisade. Deux squelettes ont aussi été retrouvés. Il s'agit de deux défenseurs pouvant être de ceux qui défendirent Montségur pendant le siège.

Le siège de 1243-1244


Par un message du comte de Toulouse, le seigneur Pierre-Roger de Mirepoix est informé, au début de l'année 1242, de la présence des inquisiteurs à Avignonet. Accompagné d'une cinquantaine d'hommes d'armes, Pierre-Roger descend de Montségur et organise le massacre des inquisiteurs. Le terrible tribunal, le notaire et les huissiers sont ainsi assassiné, pour la plupart par vengeance d'un parent décédé du fait même des inquisiteurs.

Le nid d'aigle de Montségur attire alors les foudres de Blanche de Castille qui ordonne alors de détruire le refuge de l'hérésie. Hugues des Arcis, alors sénéchal de Carcassonne, prend la tête d'une armée de 10 000 hommes. On est alors au début du mois de mai 1243.

Le siège stagne tant il est difficile d'accéder au sommet du pog. Pendant ce temps, il semble que les assiégés peuvent sortir et revenir à la citadelle sans trop de difficultés. L'été passe... et le sénéchal décide de faire intervenir des montagnards. En novembre 1243, des assiégeants réussissent à prendre pied au sommet de la montagne et à s'y maintenir. Mais c'est en décembre 1243 qu'un groupe de volontaire réussissent à prendre la partie avancée du castrum. Ils peuvent ainsi construire une pierrière. On a retrouve plus de 80 boulets de pierre, datant de cette époque sur la pente de la montagne...

Le trésor de Montségur


Il y a mention, dans les Registres d'Inquisition de l'existence d'un trésor. Il s'agit vraisemblablement des fonds nécessaires au fonctionnement public de l'organisation cathare : 3 dépositions mentionnent de l'or, de l'argent et des pièces. Le trésor a été mis en sécurité par des cathares.

Deux parfaits se sont échappés la veille du bûcher, cachés dans les failles du pog. Leur itinéraire passe par les grottes fortifiées de la vallée de l'Ariège, Montaillou, Usson, puis en Catalogne, pour finir en Lombardie. Dépendant de l'empereur, la Lombardie se trouve en conflit avec la puissance papale et l'Inquisition n'y règle donc pas... On peut y voir une volonté de mettre des fonds de côté pour passer en Lombardie pour s'y développer et revenir ensuite, le calme revenu. Cependant, les deux parfaits échappés de Montségur seront arrêtés en 1280 par l'Inquisition.

Cependant, l'histoire du trésor des cathares ne s'arrête pas là... et de nombreuses inventions contemporaines l'identifient à des manuscrits ou au Graal. Aucune mention ne permet cependant d'accréditer cette thèse relevant probablement plus du désir mythique que de la réalité historique.

Otto Rahn, diplomate nazi, dans la Croisade contre le Graal (1930), a donné corps à un roman passionnant si il est pris en tant que tel. Ajoutons à cela les fameuses fouilles des soldats allemands à Montségur et l'on retrouve l'origine de dérives d'un culte solaire à Montségur, d'un Graal cathare... Il est cependant plus vraisemblable de considérer les fouilles de ces allemands comme une occupation du week-end, alors que la région n'offrait guère de distractions. L'imaginaire ne connaît que peu de limites.

En fait, il existe plusieurs Montségur. Le Montségur historique n'est pas celui de l'ésotérisme. Aussi nous limiterons-nous à ce que nous pouvons attester et comprendre.
David Maso, archéologue (portrait ; photographie : Philippe Contal, 2002)

Cependant, l'histoire du trésor des cathares ne s'arrête pas là... et de nombreuses inventions contemporaines l'identifient à des manuscrits ou au Graal. Aucune mention ne permet cependant d'accréditer cette thèse relevant probablement plus du désir mythique que de la réalité historique.

Otto Rahn, diplomate nazi, dans la Croisade contre le Graal (1930), a donné corps à un roman passionnant si il est pris en tant que tel. Ajoutons à cela les fameuses fouilles des soldats allemands à Montségur et l'on retrouve l'origine de dérives d'un culte solaire à Montségur, d'un Graal cathare... Il est cependant plus vraisemblable de considérer les fouilles de ces allemands comme une occupation du week-end, alors que la région n'offrait guère de distractions. L'imaginaire ne connaît que peu de limites.

En fait, il existe plusieurs Montségur. Le Montségur historique n'est pas celui de l'ésotérisme. Aussi nous limiterons-nous à ce que nous pouvons attester et comprendre.

La reddition de Montségur


Après deux mois de bataille, jusqu'à la dernière limite (on mentionne des batailles à l'échelle), Pierre-Roger de Mirepoix négocie la reddition de la place forte. La négociation peut paraître surprenante car il réussi à obtenir l'amnistie pour ceux qui ont participé au massacre d'Avignonet et une trêve de 15 jours. Attendait-il les renforts du comte de Toulouse ? Une dizaine de croyants reçurent le Consolamentum la veille du bûcher, afin de rejoindre leurs frères et sœur de foi dans les flammes, le 16 mars 1244. Y allèrent-ils en chantant comme on le lit souvent ? Les textes mentionnent plutôt le fait de les avoir « arrachés » à la montagne...

Le catharisme existe encore, mais sans structure. La hiérarchie cathare est éliminée, après un demi-siècle d'histoire...

Montségur aujourd'hui


Au pied de Montségur, trône la stèle de la Société du Souvenir Cathare. Érigée dans les années 1960, elle symbolise l'imaginaire ésotérique de l'époque. Aujourd'hui, les cathares sont clairement identifiés comme n'ayant jamais eu de symboles, ni de lieux de culte. «L'Esprit souffle où il veut», nous dit Saint-Jean. Le seul objet qui pourrait passer comme pouvant être cathare serait l'Evangile. Reconnaissons d'ailleurs que c'est un problème grave pour les marchands de l'imaginaire cathare...

Il existe cependant cinq textes cathares, édités dans les Ecritures Cathares de René Nelli.

L'emplacement du bûcher a créé une littérature importante, sans toutefois trancher sur le sujet. Il est cependant vraisemblable de le situer à proximité du bois (le camp des croisés pouvait fournir du matériau pour alimenter les flammes), vers le village actuel, près du torrent. En effet, les restes des corps auraient alors pu être évacués dans l'eau du torrent, ce qui permettrait de comprendre notre incapacité à trouver des restes quelconques de cette tragédie. Mais sept siècle d'intempérie peuvent aussi expliquer l'oubli et la disparition de toute trace...

En montant au château, on traverse de nombreux restes de maisons : fondations et bords de murs mariés avec la pierre naturelle sont visibles pour les visiteurs qui prennent le temps de parcourir le chemin en ouvrant les yeux.

Deux rochers dominaient le pog. Supportaient-ils deux tours seigneuriales du fait que deux co-seigneurs se partageaient la direction du lieu ? C'est ainsi que les archéologues interprètent aujourd'hui la lecture de la pierre. Il est à remarquer que l'on voit encore nettement la carrière ayant servi à édifier le château actuel et les constructions antérieures. Située près du mur bouclier, cette carrière permet de comprendre que les bâtisseurs n'ont pas cherché la matière première ailleurs que sur place : le pog suffisait à produire la pierre nécessaire à la construction.

Le château actuel était vraisemblablement agrémenté de colombages, avec une basse-cour et tour. Trois escaliers menaient au chemin de ronde qui menait lui-même à la porte du donjon, aujourd'hui située en hauteur du fait de la disparition des structures en bois.

Montségur, comme les autres citadelles de l'époque, servait de relais d'information. Par des signaux de lumière ou de fumée, on assistait alors à un véritable réseau entre les forteresses, à la frontière Espagne / France.

Le donjon est clairement identifié aujourd'hui comme étant de construction française : le forme des voûtements ou des archères sont typiques de l'architecture française.

Le village médiéval


Le village médiéval était édifié tout au long de la crête. Les maisons des hérétiques devant être rasées jusqu'aux fondations, il est probable que les restes que nous pouvons visiter soient de l'époque royale.

Montségur n'est pas à proprement parler une citadelle cathare. Comme les « châteaux cathares », il s'agit d'une forteresse dans laquelle des cathares ont vécu. Il ne s'agit pas de détruire des rêves, mais de resituer le contexte, l'histoire, dans sa réalité.

Signalons au passage que les cathares avaient des pratiques strictes en matière de nourriture : pas de viande, ni lait, ni œufs. Cependant que les chartreux faisaient de même. Il ne s'agit pas d'une pratique singulière, mais simplement associée à une pratique rigoureuse de la religion. Les cathares étaient chrétiens, ne l'oublions pas.

Le donjon et le solstice d'été


Le donjon a lui-même donné lieu à des croyances parfois très romantiques. Les premiers rayons du soleil traversent le donjon de part et d'autre, passant par deux archères disposées de chaque côté du donjon. Cependant, l'architecture gothique a toujours été orientée. Il ne s'agit pas d'une preuve d'un culte solaire quelconque, mais d'une attestation de la compétence des architectes de l'époque.

Il y a 10 / 20 ans, on pouvait rencontrer, le jour du solstice, des druides, des nazis, des occitans... On vendait même le Consolamentum !

Les cathares ne bâtissaient pourtant pas d'édifice religieux, sans oublier le fait que la construction visible de nos jours leur est largement postérieure...

Propos de David Maso et Emmanuel Le Roy Ladurie
Recueillis et rédigés par Philippe Contal, septembre 2002

« L'histoire grande ouverte : Hommages à Emmanuel Le Roy Ladurie », André Burguière, Joseph Goy, Marie-Jeanne Tits-Dieuaide, Steven L. Kaplan


« Historien de haut vol », « magicien de l'histoire », « historien total » : peu d'historiens ont inspiré autant de superlatifs qu'Emmanuel Le Roy Ladurie. Né en 1929, auteur d'ouvrages tels que Paysans de Languedoc (1966), Histoire du climat depuis l'an mil (1967) et Montaillou, village occitan (1975), il a marqué de sa pensée et de sa plume l'historiographie de la deuxième moitié du XXᵉ siècle, qui a vu naître des courants novateurs comme l'histoire des Annales, l'histoire quantitative ou l'histoire du climat.
Toutefois, si l'œuvre d'Emmanuel Le Roy Ladurie est décisive, elle n'explique pas toute seule sa renommée exceptionnelle. Le rôle majeur qu'il a joué dans le développement de plusieurs institutions prestigieuses – l'EHESS, le Collège de France, la BNF, l'Institut de France – n'y a pas moins contribué. On pourrait ajouter la place inégalable qu'il a occupée sur la scène médiatique et ses prises de position dans les débats de société, notamment en faveur des droits de l'homme dans le années 70 et 80, au plus fort du totalitarisme communiste.
Cette biographie est la première à faire revivre la personnalité de l'historien dans toute sa complexité, à partir de fonds d'archives inédits. Au-delà de l'historiographie, cet ouvrage permet d'explorer la vie intellectuelle des soixante dernières années dont Emmanuel Le Roy Ladurie fut un incontournable acteur et un précieux témoin.

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