Directement ou indirectement, les philosophes rencontrent la pensée de Paul. Néanmoins, ils ne la connaissent généralement qu'au travers d'une correspondance mise à leur disposition sinon par des théologiens, tout au moins par des critiques engagés. Il s'agit de rechercher la pensée de Paul dans le sens littéral de sa correspondance, en ne considérant que les seules lettres reconnues authentiques par la critique non dogmatique (Lettre aux Galates, Correspondance avec les Corinthiens, Lettre aux Romains et Lettre aux Philippiens) et en relevant les quelques passages contradictoires à la pensée de l'apôtre, que nous interprétons comme des interpolations (Rm. XIII, 1-7 ; 1 Co. XI, 2-16 ; XIV, 33b-34 ; Ga. II, 7-8).
La mise en parallèle des écrits esséniens ou des textes marqués par cette tradition (parmi lesquels l'évangile de Matthieu), permet de donner un nouvel éclairage sur le sens des concepts tels que : la grâce, la foi, l'espérance, l'amour, le déterminisme, l'universalisme. L'originalité de Paul consiste à concevoir et à proclamer la fin de la loi positive. La relation d'amour succède à la relation légale entre les hommes, autant qu'entre Dieu et les hommes. Paul peut être perçu comme un "anarchiste éclairé". Néanmoins, toute espérance terrestre demeure vaine. Le dualisme paulinien est radical : la création asservie par les lois de l'incarnation est appelée à disparaître avec le monde de la matière au profit d'une création nouvelle de qualité spirituelle. D'un point de vue conceptuel, deux dieux sont en présence : le dieu intérieur et le dieu extérieur. Ils ne peuvent se confondre dès lors que leurs paroles ne profèrent pas la même loi.
Paul appelle tout homme à prendre conscience de la parole intérieure. Elle procure le discernement du bien et du mal et témoigne de l'universalité vraie de la volonté divine. L' " authenticité " de son évangile s'est perpétuée de la Galatie à l'Occitanie, proclamée par Marcion de Sinope (II ème siècle) aussi bien que par Nicétas de Constantinople (XII ème siècle). L'histoire reconstruite propose une séquence d' " hérésies " (marcionisme, paulicianisme, bogomilisme, catharisme) qui laisse accroire à une rupture de l'universalisme paulinien. Quelles que soient leurs particularités, toutes ces " hérésies " fondent leur unité dans la valeur absolue de la liberté intérieure et l'opposition à toute légalité extérieure. La révolution paulinienne révèle au monde d'aujourd'hui, comme à celui d'hier, que le choix de l'amour est autrement divin que celui de la loi.